Histoire de l’Antiquité

Saturday, March 04, 2006

LA POESIE ANTIQUE

LA POESIE ANTIQUE

- La période du poète commence avec cet immense empire grec où l'on a parlé, mais surtout pensé grec. Un monde scellé uniquement par la langue, s'étendant d'Alexandrie au Bosphore, et de Cyrène à la Sicile. N'oublions pas que les côtes de l'Asie mineure ont été, avant Homère, et jusqu'à l'Islam, domaine grec, en esprit sinon toujours en fait, et que d'elles nous sont parvenus les plus grands et les plus influents poètes helléniques. Les Dieux y ont été vus à travers l'amour, l'esprit, le désir ou la crainte, dans cette perspective où l'union entre les humains et les divinités ont été crues possibles au début des temps.

Les poètes de l'époque ont imaginé ces figures de la puissance, de l'enchantement et de l'exaltation divines. La Grèce vivait confinée dans ses dieux : Zeus-Taureau ; l'Apollon d'Alcée, l'Aphrodite de Sappho, ou encore le Pélops de Pindare, implorant dans le danger le majestueux Poséidon. C'est à ce dynamisme même des évènements sacrés que perçoit le poète grec. Une caractéristique qui mérite d'être notée au passage, est qu'on ne trouve que rarement, chez les poètes de la Grèce antique cet ethnocentrisme aussi bien dans le langage courant que dans la culture comme cela est souvent le cas (le germe) chez la plupart des prosateurs. Il n'en n'est pourtant pas toujours le cas si l'on considère Platon, dans le "Timéee", qui n'hésite pas à faire une place importante aux traditions babyloniennes, tout comme Xénophon, renchérissant sur Hérodote qui a écrit une chronique très représentative des mœurs et des coutumes perses.

Dans l'Antiquité grecque, la figure du poète était incarnée par Orphée, Prince Thrace légendaire, fils de la muse Calliope, poète, musicien et chanteur, dont on dit que le génie était tel qu'il charmait même "les bêtes sauvages". La poésie apparaissait alors comme un monde divin, et le poète étant inspiré par les Muses, lui permettant de manier le langage et de conférer aux mots une beauté étrange et un pouvoir hors du commun.

La poésie lyrique est reconnue comme un signe d'évolution dans la littérature ; les premiers auteurs ayant été Théognis de Mégare et Mimnerme de Copophon, sans oublier Archiloque et Sapho. Pour Platon, qui développa ses idées sur la création littéraire dans l'Ion, l'inspiration se confondait adroitement avec l'enthousiasme poétique, sorte de présence divine possédant le poète. Il pensait que les poèmes les plus parfaits n'étaient pas le produit de l'art des hommes, mais bel et bien l'œuvre des dieux.

La notion de poésie était différente de celle que nous lui donnons de nos jours. Pour les Grecs, tout texte en prose apparaissait comme une recherche d'ordre esthétique, et était donc assimilée à de la poésie. Aristote, lui-même, désignait par le terme "poiêsis" tout écrit relevant de l'esthétique et de l'imaginaire. Il faut savoir que ce type de création (la poésie) dont la nature et la fonction trouvaient ses origines dans la transmission des codes, des lois, des savoirs, des mythes, était étroitement lié à l'oralité, notamment au chant et à la musique : les poètes grecs, les "aèdes", chantaient leurs poèmes, comme le feront, plus tard, au Moyen Âge, les troubadours et les trouvères. Et c'est sans doute à cause de cette oralité que naquirent, dans la poésie, tous les systèmes de renvois et de rappels sonores que nous connaissons : le vers, scandé par la rime ; la régularité du rythme et des rappels sonores – autrement dit les assonances et les allitérations. En fait, les repères essentiels aidant l'auditeur à retenir le poème.

Ce sont les Alexandrins, pourtant, qui, sans en changer la forme, donnèrent à l'élégie ses caractères définitifs, au-delà des discours philosophiques. Parmi les Maîtres de l'école alexandrine Antimaque ouvrit la voie aux poètes et grammairiens Philétas et Callimaque. À l'époque de Cicéron, concernant la poésie lyrique, on avait l'habitude de dire qu'une vie d'homme ne suffirait pas à lire toutes les œuvres lyriques grecques. Hélas, de cette ère, dont la production fut immense, il ne nous est parvenu que de rares fragments, généralement des citations de grammairiens.

Les premiers chantres, les premiers aèdes de la Grèce antique furent des prêtres, et la première forme de poésie fut un hymne, un chant religieux. Ce qui ne signifie nullement qu'on n'eût jamais chanté avant qu'il y eût des aèdes, sachant que le chant et la musique sont contemporains de la parole même, et de l'existence de l'homme en ce monde. Pendant de nombreuses années, aèdes et prêtres n'étaient qu'un tout, ne formaient qu'un "unique" ; ce n'est que plus tard que les aèdes eurent leur existence propre. Ils étaient constitués par des groupes d'artistes travaillant pour le peuple, des créateurs appelés "démiurges" selon l'expression d'Homère. Ils chantèrent longtemps encore les louanges des dieux, mais ils n'en oubliaient pas, pour autant, de célébrer les exploits des héros. La plupart de ces anciens aèdes étaient nés dans le Thrace, tandis que les traditions qui les concernaient se rapprochaient, en réalité, à la Piérie ; cette Piérie que les poètes de tout temps ont placé comme étant la patrie des Muses. C'était à Libethra que les Muses avaient chanté, selon la légende, des lamentations funèbres sur le tombeau d'Orphée. Les aèdes Thraces étaient donc des Piériens, des natifs du pays des Muses, et nés de cette race poétique qui, dans les chants du rossignol entendait une mère pleurant la mort de son fils bien-aimé, et répétant sans cesse : Itys ! Ytys !. Ce cri était assimilé à celui de Procné ayant retrouvée ses esprits et pleurant son fils. Cet appel devint le moyen d'exprimer un profond désespoir.

Au temps de la guerre de Troie, la poésie entière n'est plus exclusivement l'apanage des prêtres. L'inspiration poétique souffle partout. Les poètes chantent encore les dieux, mais ils célèbrent surtout la gloire des héros : ils désirent charmer, par de merveilleuses écritures, les convives du roi, et ils préludent déjà aux splendides créations de l'épopée. L'aède n'est plus un dieu, il n'enfante plus les prodiges des poètes d'autrefois ; mais il demeure, néanmoins, un "homme divin". Les simples instruments qui leurs servaient à soutenir les accents de la voix, la cithare et la phorminx, qui n'étaient pas encore tout à fait la lyre, ne semblaient pas indignes même de la main des héros : sous cette exagération épique, on sent naître et vivre une réalité, une société qui n'était pas sans culture, et où régnait encore, suivant le mot de Fénélon, l'aimable simplicité du monde naissant.